mardi 15 juin 2010

INTRODUCTION


Bunka

Le peuple japonais est très fier de sa culture, forgée à travers des millénaires d’isolement.

Jusqu’au milieu du 19e siècle, n’ayant jamais connu d’invasion, les japonais ont toujours maîtrisé ce qu’ils voulaient importer des cultures étrangères ; en 1850, quand le jeune empereur Meiji décide d'ouvrir son Pays, le Japon était une société -«tribale» d’un point de vue politique, -«primitive» d’un point de vue technologique, mais -une des plus sophistiquée qui soit d’un point de vue social et artistique. Les arts de la maison, de la table, du costume, des armes, du spectacle avaient su s’élever à un degré inégalé de beauté et de raffinement.

Philosophiquement, le Japon s’est nourri de la triple influence du Bouddhisme, du Confucianisme et du Shintoïsme. La vie sociale y est structurée par une étiquette et par des règles minutieuses qui ont valeur de moralité. Cet « humanisme spirituel » combiné à une préoccupation permanente de la beauté dans tous ses aspects, ont élevé le sens émotionnel et spirituel de la vie au Japon à un point… véritablement très contaminant pour les visiteurs !

Et pourtant, l'Empire du Soleil levant, le Royaume de la recherche de la perfection en harmonie avec la nature, a eu aussi son « côté obscur » qui a entaché son histoire de dérapages militaristes, et parfois des comportements d'une indicible cruauté.

Aujourd’hui les japonais sont face à un dilemme : leur culture ancestrale, basée sur une forte cohésion nationale (nationaliste), sur une protection mutuelle au sein du petit groupe social, sur un besoin compulsif de réussir, « d’être le meilleur ou de mourir »… cette culture qui a permis au Japon d’émerger d’un stade « féodal » à celui d’une grande puissance économique en quelques décennies, cette culture si singulière et si unique… est menacée.

La combinaison de cette singularité culturelle avec une faiblesse atavique de communication, notamment du fait de la langue, et un relatif retard dans l’ouverture des entreprises aux capitaux étrangers, constituent des obstacles sérieux au développement du Japon au sein du grand mouvement de la globalisation.

Les jeunes générations et les femmes commencent à ouvrir les yeux, à réaliser leur condition, et à supporter de plus en plus mal le poids de conventions sociales dont ils se sentent victimes. Les tentations de la « facilité occidentale » n’ont jamais été autant à portée de main.

Si Kintaro Nishida, qui aimait à marcher sous les cerisiers, le long du chemin de la philosophie à Kyoto, avait une petite faim… aujourd’hui, il trouverait un McDo pour se restaurer ! Cheeseburger-frite-mayo, kudasaï !

La culture japonaise vue par les français

Vu de l’extérieur, et notamment de la France, le Japon et les japonais souffrent d’énormément de clichés… Plus que tout autre pays au monde aurait-on la tentation de dire… et puis non si on y réfléchit un peu, nous adorons stigmatiser nos voisins : les arabes terroristes, les russes mafieux, les brésiliens transsexuels, les italiens voleurs et qui tombent dans les surfaces de réparation, et les écolières japonaises post-adolescentes en jupette bleu-marine, soquettes blanches et sac Louis Vuitton...

C’est un peu comme si on considérait que tous les français se battent dans les stades lors des confrontations PSG-OM, qu’ils faisaient grève tout le temps et pour n’importe quel motif (ça c’est vrai, mais jamais le samedi !), et que leur seule religion était le museau de porc sauce gribiche…

Il convient également de tempérer un peu les clichés historiques : dire que les japonais cultivent encore l’esprit du samouraï est vrai, à peu près autant que nous, qui sommes tous des mousquetaires, fils de d’Artagnan, c’est bien connu… ou que tous les égyptiens qui descendent de Nefertiti…

Mais il est un cliché bien plus sournois, plus difficile à évacuer, plus délicat à aborder notamment en leur présence, et qui pourtant leur colle encore à la peau : c’est leur position pendant la dernière guerre mondiale … cette image persistante a conduit le reste du monde, pendant des décennies, à jeter toutes les productions japonaises de cette période avec l’eau du bain nationaliste : il faut attendre 1980 pour que les philosophes de l’école de Kyôto, et notamment Nishida, soient reconnus par nos académies. Ces penseurs avaient-ils mesuré à quel point leur philosophie allait, malgré eux, cautionner un régime belliciste ? Pas sûr… l’effet Heidegger en quelque sorte !

Bref, il y a du boulot ! et j’espère que cette modeste contribution, sans prétendre « expliquer la culture japonaise », développera au moins une certaine empathie chez le lecteur, une motivation à poursuivre, creuser, gratter sous de la surface… à la recherche de trésors inestimables.

Comprendre la culture japonaise

Pour atteindre ce qui est en nous, il faut nous distancer de nous-mêmes. L’art n’est-il pas une des meilleures voies d’accès à l’émancipation des codes sociaux ? L’artiste, par essence, se particularise et se rend étranger.

La seule manière d’arriver à comprendre la culture japonaise serait-elle de NE PAS chercher à la comprendre ? Mais de l’aborder comme un tableau impressionniste : une suite de petites touches colorées qui, chacune séparément n’a aucun sens, et toutes ensemble forment une « impression », une « émotion », une image mentale persistante. C'est ce que j'ai tenté de faire : une série de chapitres courts, m'obligeant à rester davantage sur le plan de l'impression (quasi-photographique) que celui de l'analyse. Refusant systématiquement de tomber dans le piège du "prescriptif". Je fais le vœu que, chapitre après chapitre, les notions comme le Ki, le Ma, le Ba, le Kata, le satori, le do... se relieront pour tisser ensemble une image qui fasse sens pour le lecteur, développe son empathie pour cette culture, et lui donne envie de l'approfondir.

Il est une particularité dans la culture japonaise qui, au départ, est déconcertante pour l’esprit occidental rationnel, mais à laquelle on finit par s’habituer lentement, puis l’apprécier, voire l’adopter : c’est la coexistence harmonieuse des contraires.

Depuis Aristote, pour ce qui touche au domaine de la « raison » et de la Science, on nous a appris que deux propositions contraires ne pouvaient pas être « vraies » en même temps ; par exemple, si A est plus grand que B, B ne peut pas être plus grand que A… Ce culte du « ou » (opposition), cette dictature du SI-DONC-ALORS ont permis les progrès technologiques, certes, mais tout en faisant de nous des infirmes sur le plan des sciences humaines ! Bien sûr que deux propositions opposées peuvent être acceptables en même temps, il suffit pour cela de se placer du « point-de-vue » de chaque protagoniste. Simple question de perspective !

Depuis Platon et la Renaissance, pour tout ce qui touche au domaine de « l’esprit » :

-Art, -philosophie et -religions, on nous appris à séparer : distinguer la musique du théâtre, l’art de l’artisanat ou de la décoration, la nature de la culture, l’ombre de la lumière … De tous temps les hommes se sont opposés voire battus au nom de différentes religions, pourtant toutes censées nous apporter le salut et le respect d’autrui…

Les japonais aiment à mélanger tout cela. Ne cherchez pas d’œuvre d’art accrochée sur les murs d’une maison… la maison traditionnelle et son jardin sont l’œuvre d’art, et l’on y habite ! La cérémonie du thé est une œuvre d’art, et l’on y goûte. Les assauts de kendo (escrime) sont une œuvre d’art que les deux combattants créent ensemble.

Quand aux dévotions « religieuses », elles sont beaucoup plus intégrées à la vie courante que chez nous, certaines se pratiquent même en entreprise…

Le projet éditorial et vous :

Pour aborder cette culture dans toute sa richesse et complexité, j'ai pris deux options :

- la première est de traiter un certain nombre (une quarantaine) de concepts typiquement japonais, répartis dans trois registres qui se nourrissent mutuellement : la tradition - la vie moderne - le business.

- la deuxième est, pour chaque concept, d'ouvrir largement une sorte de forum de discussion, un kaleïdoscope de points-de-vue : jeunes, anciens, artistes, salarymen, professeurs, expatriés.

C'est là qu'intervient ce blog et vous :

Vous êtes invités à contribuer : apporter un commentaire, une correction, un avis - raconter une anecdote - livrer un sentiment...


Vous avez la possibilité de commenter les textes eux-mêmes, de me juger moi ou le travail - j'en prendrai acte, mais je souhaite surtout "augmenter" les textes de vos contributions, apportant un éclairage concret, une "perspective" sur les sujets eux-mêmes. Nous réalisons, de manière professionnelle et avec l'aide d'une correspondante permanente à Kobé, une série d'interviews de japonais, dans ce sens. Mais j'ai préféré ne pas les publier dans un premier temps sur ce blog.

N'oubliez pas de laisser un minimum d'éléments vous caractérisant car votre contribution sera peut être publiée :

- soit votre identité : Michel Dupont, ou des initiales ou un pseudo

- ce qui vous caractérise - si possible en rapport avec le Japon : Etudiant post-doctorant 2 ans en stage à ...

- votre ASL (Age, Sexe, Location)

- un mail pour rester en contact avec vous

Merci d'avance, et bonne lecture !



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